Kleio, la Muse qui muse, musarde, s'amuse...

Ma photo
Je suis une muse délirante et "délireuse", passionnée d'écritures et de lectures. J'aime la vie, la lumière et le bonheur !

10 janvier 2009

Le conte du Gay scavoir...


Un conte, juste pour distraire un ami


Il y a très longtemps… ou peut être pas car le temps pour ce conte n’existe pas, n’existe plus.
Il y a donc très longtemps, dans un coin de Provence, au creux d’une vallée parfumée, se dressait un château. Un très grand château, aux hautes murailles de lisse tuf doré.
Ce château appartenait à un comte, le comte de Perceral. Le comte avait une épouse, Aglaé, aussi belle que sage. Ce n’était pas une puissante dame mais la fille d’un des métayers du comte. Ensembles ils avaient été accoutumés à courir les bois depuis leur plus tendre enfance et lorsque l’amour avait saisi leurs cœurs, tout naturellement, il avait embrasé leurs âmes. Pour la belle Aglaé, notre comte avait dédaigné les plus beaux partis de la contrée. Tout d’abord Jehan, le métayer avait refusé sa fille, il l’avait éloigné craignant quelque fantaisie de noble ecervelé, qui lui briserait le cœur et même peut être la désespérerait… Et puis peu à peu, il s’était laissé convaincre du pur et bel amour du comte pour sa fille.
Un matin de Printemps, les deux jeunes gens s’étaient juré fidélité et amour devant le trou aux fées, se promettant franchise et loyauté, se promettant de tout partager et de n’avoir l’un pour l’autre aucun secret….
Les années passèrent… paisibles… quand un soir,
« Mon bel ami, dit la comtesse, il y a quelque chose dont depuis quelques temps je souhaite m’entretenir avec vous… Rien de grave, ne froncez pas vos sourcils… rien de grave… cependant quelque chose chiffone mon coeur.. non pas un déplaisir de vous.. mais comme un vide qui s’est creusé dans mon âme…. Je entendu parler du « Gay Sçavoir » et je n’arrive pas à comprendre quel est cette science qui se prétend pétrie de gaité. »
- Je crois qu’elle enseigne le bonheur… N’êtes-vous donc pas heureuse que vous ayez besoin de prendre quelques leçons ?
- Non, ce n’est pas cela, mais je suis curieuse de connaître ce Gay Sçavoir comme une enfant qui veut savoir la fin d’une histoire, s’il vous plaît bel ami… trouvez moi quelque professeur.
Et le comte ne sachant rien refuser à la belle Aglaé se mit en quête d’un professeur de bonheur…
2
On publia par toute la contrée un édit et il en vint une troupe entière…
La plupart n’était que des pitres qui n’avaient pas la moindre idée de ce qu’était le Gay Sçavoir. Il y eut des jongleurs, des magiciens, des philosophes plus tristes et sentencieux qu’un jour sans pain. Le comte les traita tous magnifiquement. On organisa des fêtes, des joutes où chacun rivalisé d’habileté et de fantaisie, mais la plus savante en toutes ces matières c’était toujours la belle Aglaé.
Or un jour, alors qu’on commençait à se lasser de ces enfantillages perpétuels et que le comte et comtesse songeaient avec beaucoup de précautions à renvoyer tout le monde, se présenta à la porte du château, un homme vêtu tout simplement. Il avait beaucoup voyagé comme on pouvait le deviner à ses habits fatigués et à ses chausses bien usées.
La comtesse comme elle en avait l’habitude vint l’accueillir à la porte et lui demanda de se présenter.
« Douce Comtesse, j’ai entendu, alors que je parcourai notre vaste monde, que vous étiez curieuse du Gay Sçavoir. Cependant j’étais à ce moment là de l’autre côté des rives de la mer Méditerranéanne et il m’a fallu de longs moments pour joindre jusqu’à votre logis. »
Le cœur de la comtesse bondit dans sa poitrine, elle ne savait pourquoi mais il lui semblait qu’elle voyait là un maître dans le Gay Sçavoir.
- Vous êtes donc savant en ces matières ? Lui demanda-t-elle fébrile.
-Savant, non, comment être se sentir savant devant le labyrinthe de l’âme ? Comment se prétendre savant et éclairé lorsqu’il s’agit de pénétrer les mystères du cœur et les douceur d’une tendre union ? Savant non, disons que je sais orner ma langue de mille manières pour qu’elle chante et célèbre ma Dame.
- Je suis tellement anxieuse d’entendre et d’apprendre sur le Gay Sçavoir que j’ai oublié de vous demander comment vous vous nommez .
- On m’appelle Guillaume Tournamour, certains me nomment le Tournamour et même l’oiseleur de l’Amour.
A ces mots, la belle Aglaé sentit le rouge lui monter aux joues, son sang battait à ses tempes, il lui sembla que le souffle allait lui manquer et c’est d’une voix haletante qu’elle répéta comme un écho…. L’oiseleur de l’Amour….
3
Le lendemain, notre maître ès-Gay Sçavoir s’assit sur le rebord de la Fontaine qui ornait la cour du château. Comme il était encore très tôt, le château était presque endormi. Il se pencha pour laisser rouler entre ses doigts un peu d’eau fraîche et lisse. Il écouta le son délicat des perles d’eau qui s’échappaient de ses doigts, le doux murmure de la brise et les yeux mi-clos, la tête reversée pour mieux jouir du chatoiement du soleil matinal sur les pierres commença une tendre chanson.
Du haut de sa fenêtre la belle Aglaé l’écoutait émerveillée…. Sans qu’il eut été besoin de grandes leçons, elle comprenait ce qu’était ce Gay Sçavoir…. C’était une façon de tourner la vie, d’en saisir les moindres joies pour leur donner l’immortalité… Elle sentit son cœur s’ouvrir à la lumière de la vie et son âme comme un petit oiseau s’envola pour aller se percher sur l’épaule de l’oiseleur.
« Etes vous poète ou magicien ? Demanda-t-elle, d’une voix enjouée »
- Tantôt l’un tantôt l’autre lui répondit-il, envoyant un baiser en guise de salut. Nous les maîtres troubadours sommes ainsi, nous allons où le vent nous porte, un luth, un besace rempli de nos poèmes et de nos chansons voilà notre fortune. Nous restons parfois ici ou là, mais jamais nous ne nous établissons. Là dans cet endroit que la Providence nous offre, nous célébrons la vie, notre hôte, une Dame et pour les remercier nous leur offrons l’immortalité….
La Comtesse tressaillit…
« Alors belle amie, nous avons je crois trouvé notre maître ? »
Elle sursauta, absorbé par le discours du troubadour, elle n’avait pas entendu son mari, le comte qui s’était approché. Lui aussi contemplait la cour. Elle lui lança un regard plein de reconnaissance. Oui, elle avait trouvé son maître, sa cour allait briller de mille feux… Le comte ému de tout ce bonheur, sourit à sa femme et l’embrassa. Tout ce qu’il avait rêvé se réalisait, il avait une vie parfaite et le Tournamour contribuerait à la rendre immortelle.
4
Effectivement, le Tournamour établit son camp à la cour du comte et de la comtesse…
Il en fit sa Dame ce qui la rendit encore plus aimable aux yeux de son mari qui l’aimait davantage. Le Comté respirait le bonheur. Voir l’oiseleur, l’entendre c’était comme voir le soleil deux fois. Mais un matin alors qu’il contemplait de la fenêtre de sa chambre un berger menant son troupeau Guillaume sentit que la vrai vie était là, au delà des murailles de la cour et qu’il devait reprendre le voyage.
Il alla trouver le Comte : « Monseigneur, voilà près d’une année que je célèbre Perceral, la douceur de ses collines, la fraîcheur de ses ruisseaux, ses vertes prairies… Voilà plus d’un an que je chante vos louanges… Voilà plus d’un an que Votre épouse m’a emprisonné du doux lien de courtoisie… Jamais je ne suis resté aussi longtemps en aucun lieu… Mais là, ce matin, j’ai entendu le petit oiseau qui chante au fond de mon cœur… Il est impatient comme jamais de reprendre son vol. »
- Ce n’est pas possible ami, avons nous failli, quelque chose vous fait défaut ? Demandez et vous serez exaucé.
- Non rien, il ne me manque rien. Je serais bien ingrat… Il ne me manque rien…. seulement la liberté, le vent dans les cheveux, l’herbe odorante après la pluie sous mes pas, ma besace et mon luth pour tout oreiller. Pour tout cela, Monseigneur je partirai demain.
Le comte sortit de la pièce et se précipita chez son épouse : « Le Tournamour veut partir, lui cria-t-il plutôt qu’il ne dit, il veut partir vous seule pouvez le retenir ! S’il part tout le bonheur parfait qui nous entoure va disparaître, tous nos rêves vont s’évanouir en fumée… et de nous, il ne sera plus rien… De moi, c’est peu de chose, mais de vous, mon amour. Courez, parlez, pleurez, suppliez, mais retenez-le ! »
La comtesse, troublée tout autant que surprise se lança dans l’escalier qui menait aux appartements de l’oiseleur.
5
Lorsqu’elle entra dans la chambre Guillaume avait quitté les beaux habits qu’on lui avait donné pour reprendre les vêtements qu’il portait à son arrivée. Il contemplait l’horizon un léger sourire errant sur les lèvres.
« Mon ami, le comte mon époux vient de me prévenir… vous nous quittez… vous ai-je blessé ?
- Non, belle Aglaé mais, je l’ai dit au Comte…. Je suis l’oiseleur, j’ai attrapé tous les oiseaux des parages dans le filet de mes vers… Maintenant, je dois aller vers des cieux plus libres…. C’est ainsi.
- Restez, je vous en supplie, restez, le temps de nous apprendre vos chants, de nous laissez copier vos contes… restez, une semaine, deux tout au plus… Le temps que mon esprit se fasse à l’idée de vous perdre, que mon regard s’habitue à ne plus vous voir et mon oreille à ne plus vous entendre…. C’est trop cruel, je ne puis…. La belle s’était jeté à ses genoux, elle lui avait pris les mains, suppliante, désespérée.
Comment ne pas être ému ? Un barbare même n’eut pas resisté aux larmes de la belle Aglaé. Son desespoir, bien réel, lui donnait encore plus de charmes. Le chagrin lui avait levé toute retenue, ses yeux brillaient du feu de la passion tout autant que des larmes. Tout son plaidoyer n’était qu’un vibrant chant d’amour.
« Soit, je reste ! Dit-il en la relevant. Le temps de vous réciter encore une fois nos poèmes…. Et puis je partirai. »
La comtesse l’embrassa avec tant de fougue qu’il en fut, un instant, étourdi.
Une semaine passa, puis deux puis trois…. On ne parlait plus de rien.
Un matin, la comtesse alla trouver le Tournamour, elle avait rêvé d’une fontaine qui se tarissait et cela l’avait troublé. En entrant dans la chambre, elle poussa un cri…. Le poète avait disparu.
6
« Comte, monseigneur… Il est parti… Il est parti.
- Ne vous alarmez pas, il est sûrement allé faire une promenade.
- Non, il a laissé les affaires que nous lui avions donné… Il a emporté son luth, non, bel ami, il est parti.
Alors le comte entra dans un grande colère : « Qu’on selle mon cheval, qu’on aille quérir la meute, que mes gens se tiennent prêts… »
Bientôt la cour du château se mit à bruire comme une ruche industrieuse, les piqueurs, les chevaliers, les chiens impatients. « Allons, mes seigneurs, à la coure, sus ! sus ! »
La troupe s’ébroua dans un grand fracas… On attendit toute la journée. Et, à l’heure ou la terre se recouvre d’un voile bleu, ils rentrèrent. Le Comte caracolait en tête, traînant derrière lui, les mains attachées dans le dos, la corde au col, notre oiseleur, l’air triste.
« Voilà, ma mie, je vous ai ramené votre oiseau… dit-il en lui tendant la corde, veillez sur lui et songez, peut-être à lui rogner les ailes ! »
Guillaume regarda la comtesse, elle lui rendit son regard… et lâcha la corde. L’oiseleur, tout triste, regagna sa chambre. Rien n’avait été changé, on avait juste ajouté des barreaux à la fenêtre et un gardien à la porte.
A partir de jour là, l’oiseleur ne quitta plus sa chambre, il ne chantait plus, ne racontait plus d’histoires, ne jouait plus du luth. Peu à peu, la cour de Perceral devint moins brillante, tour à tour les Dames et les seigneurs la désertèrent pour regagner leurs demeures et retrouver leurs troubadours qui à défaut de valoir l’oiseleur au moins ne restaient pas silencieux. Peu à peu les poètes aussi l’abandonnèrent, libres et avides qu’ils étaient de parcourir le vaste monde.
La Comtesse se désespérait… mais ne se résolvait pas à rendre sa liberté au troubadour.
Un soir qu’elle était assise songeuse, aux côtés de son époux.
« Ma mie, il m’est venu ce matin une idée qui je le crois pourrait rendre bonheur et gaieté à notre château… Une idée… mais elle ne sera pas aisée, qui vous rendra le sourire.
- Bel ami, dites vite, je brûle
- Holà ! Holà ! Comme vous vous enflammez soudain.. Il vous manque donc autant… Ne rougissez pas à moi aussi ses chants manquent, son silence est comme une douloureuse absence au fond de mon âme… Voilà ce que nous allons faire….
7
- Holà ! Holà ! Comme vous vous enflammez soudain.. Il vous manque donc autant… Ne rougissez pas ! A moi aussi, ses chants manquent, son silence est comme une douloureuse absence au fond de mon âme… Voilà ce que nous allons faire…. Vous irez trouver notre ami et vous lui dirai que vous voulez apprendre son art… Que lorsqu’il aura fait de vous un maître en Gay Scavoir, il pourra partir…. Que bien sûr il aura toujours une place dans notre cœur que lorsqu’il sera fatigué de courir le monde, il trouvera au coin de notre âtre un endroit pour chauffer ses vieux os… Il nous connaît et sait que nous ne sommes pas des ingrats. Allez et soyez plus docte qu’une muse. »
La comtesse gagna rapidement la chambre de l’oiseleur… Elle le trouva tout triste. Elle se mit en frais pour lui expliquer la marché que son époux lui proposait. Elle lui peignit sous les couleurs les plus riantes cette proposition, bref elle épuisa tous les trésors de son éloquence.
Quand elle eut finit de parler, Guillaume se tourna vers elle : « Malheureuse, que me proposes-tu là belle amie…. Une vie n’y suffirait pas, moi même j’apprends et j’ajoute à mon art, tous les jours.. Et quand bien même je t’enseignerai tous les méandres du Gay Sçavoir… ton époux trouverait une autre raison de me retenir !
- Je vous le promets… Je travaillerai dur, je serai assidue… Et lorsque j’en saurai assez…. Vous partirez….
A ce moment Guillaume eut comme une fulgurance, de celle brillante que vous envoie parfois l’Esprit. Il regarda la comtesse, un fin sourire vint se dessiner sur ses lèvres : « Soit, mais il faudra passer de longues heures auprès de moi… travailler sans relâche… Je consens à essayer bien que je n’ai rien tenté de la sorte… C’est cela je vous enseignerai mais après…
Après vous partirez. » Répondit la comtesse sans remarquer l’air rusé qu’il avait pris pour dire ces derniers mots.
Guillaume était tout à fait résolu à enseigner son art à la Comtesse, il savait que sa liberté en dépendait… mais il savait également que le Comte ne le laisserait jamais partir, qu’il trouverait toujours un prétexte pour le retenir…. Il avait eut une autre raison pour accepter ce marché…. Lorsque la Belle Aglaé serait devenue, à son tour, un troubadour…. Elle comprendrait son désir de liberté et elle le laisserait partir, malgré son mari.
Alors le Tournamour commença. Il déploya toutes les richesses de son art et toutes les facettes de son talent…
Il raconta à la Comtesse, les plus belles histoires, celles qu’elle n’avait jamais encore entendues et qu’il conservait comme autant de trésors au fond de sa mémoire…. Puis il chanta des mélodies d’amour et d’autres de guerres et de passions…. Il lui fit entendre toutes les musiques des terres qu’il avait parcourues. Il la transporta, sur les cordes de son luth, au cœur du sérail du grand sultan…. Là bas dans le jardin des mille roses, puis à la brillante cour de la Reine Eleonor dans les brumes du Nord, pour terminer par la poignante mélodie que joue le berger solitaire pour célébrer dame Lune… La comtesse, troublée, fermait les yeux, écoutait bouche bée et frissonnait de bonheur… Assis côte à côte sur le lit, ils lisaient les poèmes, chantaient des chansons…. La Belle Aglaé n’avait jamais été aussi heureuse….
Quelque chose pourtant intriguait Guillaume….
8
Quelque chose pourtant intriguait Guillaume, la comtesse était douée au delà de toute espérance. Une femme pourrait donc devenir un troubadour ? Elle en supporterait les exigences et les renoncements, cette vie d’errance et d’aventures, l’âpre souffle de la création pour seul compagnon, la poussière des chemins pour tout patrimoine ?
Guillaume aussi n’avait jamais été aussi heureux. Il prenait un plaisir inouïe à enseigner à la belle Aglaé.
Elle possédait une imagination hors du commun, elle savait comme personne tourner une intrigue, retenir une action, orner une phrase. Bien qu’elle n’eut jamais quitté les forêts de son comté, il semblait qu’elle connaissait pour les avoir vues les contrées les plus lointaines, tant elle excellait à se pénétrer avec facilités des coutumes et usages des pays étranges. Guillaume devait le reconnaître, il n’avait plus rien à lui apprendre… L’oiseleur était devenu l’oiseau pris en cage.
Alors il lui raconta sa vie, pour la garder encore un peu suspendue à ses lèvres. Il lui dit comment petit berger, il avait un jour croisé la route d’un grand troubadour… Comment celui-ci l’avait enivré de poésies et d’histoires merveilleuses, lui ouvrant les portes d’un monde de libertés. Il lui raconta aussi comment il était parti, laissant son troupeau pour mener sa vie d’errance, apprenant des autres, voyageant sans cesse, là où le vent le portait. Puis il dit ses amours qu’il avait quittées, les enfants qu’il avait eus et qu’il avait laissés, un jour, pour reprendre la route, ses chagrins, ses espoirs…
« Tu vois, ajouta-il, celui qui tient le Gay Sçavoir, tient la clé, la clé d’un monde, un monde merveilleux où seuls nos semblables, les Tournamours, peuvent entrer….
- Tu me mèneras dans ce pays ? demanda-t-elle
- Tu t’y promènes déjà, car tu avais le don et je t’ai donné le Sçavoir…. Alors maintenant tu me comprends ?
Elle le regarda et su à cet instant, que le monde où elle vivait, venait de cesser d’exister… Son époux lui semblait un homme froid, ambitieux et égoïste… Le reste n’était que vanités et vacuités…. Oui, elle le comprenait. Elle l’embrassa.
« Je vais partir… lui mumura-t-il à l’oreille comme une caresse
- Et je viens avec toi… Laisse-moi faire. »
Au petit matin, alors que le château était encore endormi, elle se glissa par la poterne et pris le chemin du trou aux fées.
9
Il y avait si longtemps qu’elle n’avait plus emprunté ce sentier étroit, quelques bras de ronces égratignèrent les pans de son manteau. Peut être même que les fées avaient déserté ce lieu ? Elle arriva devant la grotte, écarta délicatement les branches d’aubépines odorantes qui en dissimulaient l’entrée et pénétra dans le sanctuaire. Une fine poussière d’étoiles l’enveloppa, sans y penser elle retrouva les gestes familiers : une pincée de terre en offrande, une salutation à l’âtre qui dansait joyeusement au beau milieu de la clairière. Elle s’assit auprès du feu et fit sa demande. Il faisait doux, entourée de suaves et tendres parfums, la belle Aglaé s’endormit. Lorsqu’elle se réveilla, une main invisible avait déposé au creux de sa paume ouverte, une fiole en or. Au moment de franchir la verte porte, la brise lui souffla : « Une goutte et il dormira une semaine, deux gouttes, deux semaines, trois gouttes…. Toujours. »
Au château, la journée commençait mais personne ne s’étonna de voir la comtesse dejà levée qui distribuait passait de postes en pièces pour offrir un peu de vin ou d’hydromel. On la savait bonne et attentionnée surtout depuis qu’avec le Tournamour elle enchantait le château. Enfin, elle rencontra son époux qui se préparait pour la chasse. « Bel ami, avant que de partir, partagez avec moi cette fraîche eau d’esprit que je viens de faire.
- Cette eau d’esprit ?
- Oui, une eau dans laquelle j’ai mis quelques feuilles de menthe, de la verveine délicate et un peu de sauge qui nous sauve la vie… Elle oublia de dire qu’elle avait versé deux gouttes de la fiole en or.
A peine avait-il bu qu’il s’étira et sombra aussitôt dans un profond sommeil.
La comtesse alla rejoindre Guillaume : « Je suis prête lui dit elle, j’ai mon luth et ma besace. N’ai-je pas tout à fait l’air d’un oiseleur ? Ils sortirent en riant comme deux enfants qui jouent à cachette...
Ils marchaient déjà depuis un moment lorsque le Tournamour dit à la comtesse : « Belle Aglaé, ne craignez-vous pas la colère du comte…
- Non, nous ne risquons rien, tout le château va dormir pendant deux semaines.. dormir du sommeil des fées. » Elle lui sourit. L’oiseleur ne put rien dire, il lui prit la main.
Un observateur qui n’aurait pas bu de l’eau d’esprit aurait pu les voir disparaître à l’horizon des vertes collines mais… comme tout le monde dormait…. Aussi on n’en entendit plus parler.
Certains disent que l’oiseleur abandonna la belle Aglaé, qu’elle en devint folle de chagrin et qu’elle but trois petites gouttes… D’autres, qu’après quelques années, ils se séparèrent et qu’elle continua la vie de troubadour sous le nom de Melisande, allant de château en château, composant des chansons et écrivant des poèmes…
Et vous ? Qu’en pensez-vous ?
Kirikiki le conte est fini !